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Notion de la Participation citoyenne : ce qu’il faut retenir

« Nos gouvernants doivent comprendre que la participation citoyenne est devenue une réalité indéniable ». C’est ce qu’il faut retenir des propos de notre invité Théodule Nouatchi , Enseignant – Chercheur en droit public à l’université d’Abomey Calavi. Dans une interview exclusive, nous avons exploré en profondeur l’essence même de la participation citoyenne et ses implications cruciales dans la société moderne. Des échanges riches en enseignements ont éclairé les différents aspects de ce concept, mettant en lumière son rôle central dans la promotion de la démocratie et de l’engagement civique. Découvrez les points saillants de cette discussion captivante et les perspectives sur l’avenir de la participation citoyenne.

Journaliste : Quelle définition donnez-vous à la notion de participation citoyenne. ?

Théodule Nouatchi : La participation citoyenne, peut s’entendre comme l’ensemble des dispositions et mesures prises tant au niveau central qu’au niveau territorial pour permettre au citoyen de s’impliquer, de se sentir légitimement intéressé par les questions de politique publique. Il n’est un secret pour personne qu’en ce moment, la représentation démocratique qui se fait essentiellement au niveau du parlement n’est plus une évidence. Lorsque les députés sont élus pour représenter les citoyens, à partir du moment où ils n’ont pas une mission encadrée, ils se donnent beaucoup de liberté au point où les citoyens ne se retrouvent plus forcément à travers ce qui se fait en leur nom et pour leur compte. De façon à ce que les espaces se libèrent, le citoyen même se sentant frustré, s’oblige, quelques fois, se donne pour mission de coproduire et… je dirai même de co-conduire la démocratie. Voilà pourquoi cette notion, qui est une notion relativement jeune, s’est vite répandue à travers le monde puisque le besoin s’était manifesté.

Journaliste : Quelles sont les actions qui symbolisent la participation citoyenne ?

Théodule Nouatchi : En matière d’actions, il peut y avoir des regroupements, comme je le dis, des associations, des marches, des réunions, à l’issue desquelles il y a des communiqués ou des déclarations. Il peut également y avoir des actions individuelles fortes. Nous pouvons également avoir des plaidoyers, comme un lobbying ou suffisamment de pression sur les politiques dans un domaine donné, par exemple, en matière de service public ou d’un besoin sérieux qui se sent dans un milieu sur lequel on a l’impression que les décideurs publics ferment les yeux ou semblent ne pas écouter les populations. Dans ce cas, les populations se mettent en associations, font du mouvement, font du bruit pour se faire entendre. Au-delà de se faire entendre, exprimer leur besoin et s’attendre à ce que les réponses viennent de ceux qui, en ce moment-là, ont le pouvoir de décider de satisfaire l’attente des populations.

Journaliste : Que dites-vous des formes de participation citoyenne ?  

Théodule Nouatchi : Traditionnellement, ce qui était connu était l’expression sociale sous forme de syndicalisme qui est la première forme d’expression de la participation citoyenne. Mais de plus en plus, d’autres domaines sont occupés, notamment dans le domaine de l’éducation, de la santé, et fondamentalement, ce qui est visible aujourd’hui, c’est le domaine de la gouvernance. Dans les marchés publics, les citoyens veulent non seulement contribuer à dire leur besoin, mais en retour de l’autre côté, vérifier si ce qui est fait est conforme à ce qu’ils ont exprimé comme besoin. Et ceci, en qualité et en quantité. De façon à ce que… il n’est pas donné à tout le monde d’être acteur de la société civile, d’autres formes, d’acteurs pouvant intervenir dans la participation sociale, parce que ça requiert certaines compétences et une certaine expertise. Aussi longtemps que tu n’as pas les outils dans les domaines, tu risques de faire ce qu’on pourrait appeler le saut dans l’inconnu. Il faut rester dans ce qu’on pourrait appeler la formation continue.

Journaliste : En quoi est-ce que la participation citoyenne contribue-t-elle à la dynamique de la démocratie ?

Théodule Nouatchi : Avant de parler de la dynamique de la démocratie, la participation citoyenne telle que nous venons d’en parler participe déjà de la transparence dans la gestion. En dehors de cela, il y a ce que nous pouvons appeler, la légitimité de la décision, le citoyen s’étend senti mal représenté et associé à la décision, se voit légitime et estime que cette décision le concerne puisque lui-même y a participé. Mieux, la démocratie, nous l’avons défini comme étant le pouvoir du peuple, pour le peuple et par le peuple. Dès lors qu’à la base ou à n’importe quel niveau on l’associe à la co-production, à la co-décision, vous le voyez un peu émancipé de ce que je suis à la table de la décision même si c’est un niveau où je m’illusionne (rire) tout n’est pas dit là, mais tout au moins je me sens concerné. Je me dis à ce niveau, je sais ce qui se passe et tel que ça se passe, si ça pouvait être à toutes les échelles ainsi, vive la démocratie, le pays sera mieux gouverné. 

Journaliste : Que pouvez vous nous dire des avantages de la participation citoyenne ?

Théodule Nouatchi : J’ai parlé de quelques-uns, c’est que le citoyen se retrouve à travers l’objectif réalisé. Le citoyen ne dira plus c’est « leur chose ». À partir de ce moment, le citoyen trouvera utile de se donner à fond pour sa protection, pour sa promotion et pour mieux valoriser la chose. 

Journaliste : Comment encourager la participation citoyenne pour qu’elle soit plus active ? 

Théodule Nouatchi : D’abord, montrer aux gens l’intérêt et les avantages de la participation citoyenne, et c’est le rôle des leaders de chaque zone. Développer ce leadership inclusif, pas dirigiste, qui conduirait à expliquer l’intérêt aux populations à la base que ce que nous faisons, c’est pour vous. Avoir un objectif commun. Mobiliser les gens qui sont intéressés par la chose parce que si vous entrez dans les courants contraires, comprenez que les objectifs ne seront pas atteints. À partir des résultats d’un premier micro groupe, l’agrégation sera facile. Aller retrouver aussi les gens qui disposent d’ un certain niveau intellectuel. Ou même expliquer dans nos langues l’intérêt pour les gens, qui font 10 kilomètres pour aller chercher de l’eau qu’à côté on peut mettre un puits. Il faut désormais démocratiser la chose en essayant d’aller dans toutes les couches de la société avec les outils qui conviennent.

Journaliste : Dans quelle mesure les technologies modernes pourraient influencer ou influencent-t-elle déjà la participation citoyenne ?

Théodule Nouatchi : Dans les largeurs, je dirais oui, mais attention. Quand je dis mesure large, ce sont ceux qui comprennent la langue étrangère, le français… même dans nos langues aujourd’hui ça se fait et puis les gens écoutent, comprennent les intérêts, se mobilisent autour, veulent ou ne veulent pas, mais nous devons craindre quelque chose qui est la manipulation devenue facile avec les réseaux sociaux. Et c’est pour ça qu’il faut savoir mettre la limite à chaque chose. Savoir quoi, la question est de se méfier de ce que lorsque vous travestissez les choses, le bâton est à côté pour vous taper. C’est à dire que les infractions  peuvent être frappés pénalement, ou civilement (je n’en sais rien), puisqu’il existe des lois sur les infractions en ligne. Savoir mettre la mesure dans chaque chose. Ceux qui, promeuvent ou qui se sentent des fibres de leaders quand ils prennent… parce que dans la passion on ne se contrôle pas… ils prennent le devant des choses qu’ils sachent expliquer non seulement aux autres les limites mais encore qu’eux-mêmes sachent respecter ces limites.

Journaliste : Les technologies civiques (Civic Tech) ont aussi des avantages ?

Théodule Nouatchi : Oui, aujourd’hui par exemple on a la facilité de mobiliser le plus grand nombre. Ok à la facilité de parler ici et de se faire entendre à l’instant à Washington, à Moscou et partout, de façon à toucher une personne qui partage les mêmes idées que vous, qui n’aurait pu jamais les entendre s’il n’y avait pas les réseaux sociaux. Ça fait que le réseautage est facile, ça fait que ce qu’on appelle la souveraineté d’un pays (soupire) … sans oser dire que ça n’existe plus, est désormais chancelante. À cause des réseaux sociaux, vous ne maîtrisez plus tout, c’est difficile de dire « j’ai dit et ça va se faire ». Les ficelles de la gestion des pouvoirs publics, les politiques publiques, se décident à l’intérieur mais leur gestion n’appartient plus totalement si non exclusivement à nos dirigeants. Ils se voient recevoir des interférences de partout. Et ça dérange la gouvernance. Mais ainsi va la réalité de ce millénaire. 

Journaliste : Quelles sont les bonnes pratiques que nos gouvernants, les organisations peuvent adopter pour encourager la participation citoyenne ? Pour qu’elle soit plus significative

Théodule Nouatchi : Fondamentalement, que les gouvernants comprennent que la participation citoyenne dans ses différentes manifestations constitue une réalité, indéniable aujourd’hui, leur concéder les espaces qui sont libérés par l’État parce que, en fait, c’est vrai ça contrôle la gestion de l’action du pouvoir qui échappe, qui était initialement la mission de l’Assemblée en dehors de voter la loi qui leur échappe, ça concerne une partie de ce pouvoir, mais ça permet également aux gouvernements de laisser les espaces non occupés par eux, abandonnés ou oubliés par eux, aux acteurs de la participation citoyenne. Ils ont le devoir de les reconnaître à travers des décrets, pourquoi pas à travers la loi et même à travers d’autres instruments réglementaires pour les consacrer dans les limites de la loi pour que le développement intégré et équilibré se fasse dans tous les démembrements, tous les espaces du territoire.

Journaliste : Quelles recommandations pour une meilleure promotion de la participation citoyenne au Bénin ?

Théodule Nouatchi : Quelque chose se fait. Comme le dit un auteur “Tout est à refaire lorsque rien n’est fait, tout n’est pas fait“. Et donc, c’est à encourager les gouvernants qui sont les décideurs, les porteurs, de la décision. Ceux qui nous doivent la gestion du pays parce qu’en réalité ils ne doivent pas oublier qu’ils sont là, parce que nous avons voulu qu’ils soient là et donc ils sont nos employés, ils doivent aller dans la direction que nous voulons. La direction que nous voulons aujourd’hui comme toutes les nations, c’est que la participation citoyenne devienne une effectivité dans les espaces abandonnés par l’État. Et que l’État encourage à travers des textes, à travers la formation… l’integration de toutes les parties prenantes dans les processus de prise de décision.

Journaliste : Votre mot de la fin       

 Théodule Nouatchi : Mon mot de la fin c’est un souhait fort. Aux décideurs comme a tous les acteurs, je leur souhaite la santé, et souhaite que les décideurs soient surtout mieux éclairés pour comprendre l’intérêt, l’enjeu, de la participation citoyenne de façon à davantage ouvrir le couvent aux initiés. 

Propos recueillis par Kevin da-SILVA 

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